La Famille Asada

La Famille Asada est un film du réalisateur japonais Ryôta Nakano. En le visionnant on comprend pourquoi le touriste japonais a toujours un appareil photo autour du cou, tout du moins c’est l’image qu’il renvoie à l’autochtone français, jamais le dernier pour se moquer des autres. La photographie au quotidien, les portraits de famille, les souvenirs de vacances, sont des incontournables de la culture nippone, le réflexe de mitrailler ce qui est devant nous est beaucoup moins développé en Occident.

Ce petit rappel fait au futur spectateur, il prendra plaisir à suivre la trajectoire de Masashi Asada, le fils cadet de la famille, qui va devenir, au fil des années, un talentueux photographe professionnel. Masashi acquiert la célébrité grâce à un recueil de photos où il met sa famille en scène, puis, au contact des victimes du tsunami de 2011, il va découvrir le caractère sacré des clichés récupérés dans les ruines. Une photo c’est l’immortalité sur papier glacé, c’est l’image de nos chers disparus figée pour l’éternité, c’est aussi une façon de les garder près de nous pour toujours. Le parcours de Masashi est un voyage initiatique imprégné d’un humour très particulier qui autorise les sourires mais aussi quelques larmes, un humour très digne, parfois difficilement compréhensible pour un occidental. Pour filer la métaphore culinaire on dira que la sauce est aigre-douce, assez éloignée de nos épaisses marinades au vin rouge.

Ryôta Nakano est japonais et tourne des films typiquement japonais. Peut-on trouver plus japonais qu’un thème sur la place de la photographie dans la société et son impact sur notre vie quotidienne ? Canon, Nikon, Olympus, Panasonic, Sony, Fujifilm, tous ces appareils sont japonais et font partie du paysage mondial depuis bien longtemps. Japon et photographie sont presque synonymes. Si l’on ajoute ce sentiment omniprésent de mélancolie où la souffrance et la culpabilité cohabitent, on obtient un film japonais 100% bio, sans addictifs venus d’Amérique. Sans aller jusqu’à dire que Nakano est un Pagnol asiatique, on constate que, lui aussi, il cultive l’authentique.

La Famille Asada est un film bourré d’idées de mise en scène, avec un formidable casting, il nous offre une belle histoire, sans prétentions, peuplée de très beaux silences, une œuvre inspirée, sans doute, par un proverbe japonais : « Les mots que l’on n’a pas dits sont les fleurs du silence ». J’ai envie de rajouter : « Les photos que l’on a prises aussi ».

J’insiste sur la nationalité du réalisateur, car je me suis rendu compte que beaucoup de gens confondaient le Japon et La Corée du Sud et mettaient ainsi tous les cinéastes asiatiques dans le même panier en bambou. Donc, notez le bien pour la prochaine interro écrite : Hirokazu Kore-eda est japonais, il a eu la Palme d’or à Cannes en 2018 avec Une Affaire de famille, il a réalisé depuis Les Bonnes étoiles. Bong Joon-ho est sud-coréen, il a eu la Palme d’or à Cannes en 2019 avec Parasite, il a réalisé auparavant Memories of Murder, Snowpiercer et The Host. Pour info, le Japon est une île qui se situe à l’est de la Corée du Sud, les deux pays sont proches, mais ne parlent pas la même langue,même si 1000 kilomètres seulement séparent Séoul de Tokyo. Il convient de ne vexer personne, il fut un temps où, enfant, je confondais l’Italie et l’Espagne et je peux vous dire que je ne me suis pas fait que des amis.