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Le cri du projectionniste le soir au-dessus des gens

Le cri du projectionniste le soir au-dessus des gens

This is the end (10)

Publié par Le Projectionniste

Catégories : #A suivre ...

This is the end (10)

Un clou chasse l’autre. Je démarre plein pot. Un proverbe à deux sous. Juste pour salir un brin la feuille blanche. Une dernière éjaculation maquillée en noir. Paf. Ça marche. La pompe est réamorcée. Le souvenir remonte. La tête dépasse. Le clou se fraie un chemin dans le contreplaqué de la mémoire. Wouah. Littéraire en diable le mec. Faut que je me calme. Point trop n’en faut. Badaboum. Encore un proverbe. Trop lu Sélection du Reader’s Digest et l’Almanach Vermot dans mes vertes années. Je vais faire gaffe. Promis. Quand c’est fini, ni, ni, ça recommence, tous les juke-boxes, à pleins tuyaux, poussent la romance. Une rengaine de Ferré a tout déclenché. Pas anarchiste, la rengaine. Réaliste. Les chansons se plantent en nous comme les épines d’oursin dans une voûte plantaire bien tendre. Tout ce qu’on lit. Tout ce qu’on entend. Tout revient sans cesse sans crier gare. Pas de chronologie. Pas rangé par ordre d’importance. J’écoute deux notes et mon coeur se pince. La musique c’est l’arsenic que file Madame Bovary à son brave médecin de campagne de mari. On meurt à petit feu. Les boyaux en vrac. La bave sur l’oreiller. La main tendue vers celle qu’on adore et qui nous déteste. La musique est un cri qui nous bouffe l’intérieur. Pardon Bernard. J’ai pas résisté. J’écris comme je pisse. À petits jets. J’en fous partout sur la cuvette. Le carrelage. Une giclette sur le mur pour pas faire de jaloux.

A Horse with No Name. La chanson magique. America. Trois mecs, cheveux dans le cou, qui se marrent, avachis sur des coussins. Converse. Jeans. Chemise à carreaux. Au-dessus d’eux trois chefs indiens. Le sourire est de sortie. Apaches moroses. Sûrement au courant du génocide en cours. Pochette sans nom. America. C’est tout. L’album mythique d’un groupe inconnu. Les paroles sont bizarres. Écrites en apnée, les narines bien poudrées. Mon quartier à beau s’appeler Etats-Unis c’est loin l’Amérique. Deux trois morceaux de shit effrités vite fait. Et la musique. Pink Floyd. Santana. America. Des guitares, des voix pas de chez nous. Ici c’est la cata. Johnny et Sylvie, Cloclo, tous les bourrins qui passent chez les Carpentier, c’est une punition. Des remèdes contre la musique. Mes tympans souffrent. La connerie triomphe. No pasaran. 

Place du 8 mai 1945. Le podium d’Europe 1 s’installe. La variété en bidon de cinq litres. Le bonheur en bas de chez moi. Une dose par an. Du lourd. Dalida. Annie Cordy. Carlos. La bonne du curé et Gigi l’amoroso devant mes yeux ébahis. On y va en bande. Pour déconner. Les garçons ont piqué un peu d’après-rasage dans la trousse du paternel. Grosse erreur. Une heure après la transpi a viré. Les minettes se pincent le nez. On a un putois sous chaque bras. Pour être franc les copines sont pas toutes nickel. Petits relents de saumonette mais sans plus.  L’eau de toilette qu’elles ont emprunté à la grande soeur est plus efficace que notre Mennen. De toute façon on a le souffle coupé quand on les approche de trop près. On ne sent rien. A part un truc bien dur pressé contre notre braguette. Le palpitant en surchauffe.

L’après-midi a été instructif. Madame Soleil a fait son horoscope. En direct. Personne n’ose se moquer d’elle. L’astrologie c’est la religion des pauvres. Un grand livre plein de belles histoires. Du prêt à penser qui convient à tout le monde. Ajustable. Réutilisable. Madame Soleil c’est l’étoile qui réchauffe les fins de mois. L’autre béquille des prolos c’est la météo d’Albert Simon. Il fera beau sur la majeure partie de la France, les températures minimales seront inférieures aux températures maximales, quelques ondées passagères troubleront le temps estival mais le climat restera doux et conforme aux normes saisonnières. La foule est en liesse. Pourquoi je ne sais pas. Dans le quartier personne ne laboure les champs. Les gens bossent à l’usine. A l’abri. Neuf heures par jour. Qu’il pleuve ou qu’il vente. La météo doit donner du coeur à l’ouvrage. Je ne vois que ça. 

Le podium d’Europe est gratuit. Le concert annuel des prolos lyonnais. La dernière fois on a vu Joe Dassin. Coup de bol. Martin Circus à l’affiche. Limite pop. Les gars se déhanchent, se fendent la poire en chantant. Sympas. Ma ma ma. Ma Marylene. On invente le pogo. Délire. On se bourre les côtes. On se tape dans le dos. Au passage on pelote les filles. L’air de rien. Bing. Le tube de fou. Je m’éclate au Sénégal. Je danserai au son des tam tam. Woodstock. Toute la nuit j’ai tapé sur des gamelles. Le matin j’me réveille dans une poubelle. Je suis déguisé en polichinelle. Je n’arrive plus à r’trouver mon hôtel. Je n’sais même plus où est ma copine de ch’val. Avec qui j’ai pris un bain de minuit. A poil sous la lune. Pas des génies les Martin Circus. Mais ils savent mettre l’ambiance. 

Heureusement qu’on a l’Amérique pour rêver. Ses déserts. Ses mystères. Sa musique.  You see I’ve been through the desert on a horse with no name, it felt good to be out of the rain, in the desert you can remember your name, because there ain’t no one for to give you no pain.La la la la la la la.

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