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Le cri du projectionniste le soir au-dessus des gens

Le cri du projectionniste le soir au-dessus des gens

Analyse du ring

Publié par Le Projectionniste

Catégories : #Nouvelle

Analyse du ring

On tourne autour du pot depuis un moment. Et vas-y que je te pousse, et vas-y que je te repousse. Nos visages se rapprochent à chaque nouvelle bourrade.

Le petit teigneux éructe, grogne, son ronflement ressemble à celui d’un lave-linge qui ne vidange plus. Les mots ne sortent plus de sa bouche grimaçante, tordue par le rictus haineux de celui qui est sur le point d’en découdre.

J’ai la tête en surchauffe, mon cœur s’emballe, mes tempes sont douloureuses et ma bouche est sèche comme une pinède en plein été. J’essaie de respirer normalement mais mes poumons sont en mode suffocation imminente.

L’envie de mettre un bon coup de tête au nabot me démange mais je ne veux pas frapper le premier. Obéissants à un signal invisible, nous reculons d’un pas afin de prendre l’élan nécessaire. Les bras se détendent. Les premiers coups sont puissants mais manquent de précision.

J’allonge deux ou trois directs pour prendre la distance. Le Pitbull me bombarde les avants-bras. Je suis surpris par son manque de technique, le style bûcheron en colère me rassure. Le type est un sanguin. Quand la pression va redescendre il sera cuit comme une endive dans un autocuiseur.

Je le laisse se défouler sur ma garde haute pour lui faire croire qu’il domine l’échange. Ma lucidité revient d’un coup, aiguillonnée par le déluge de grêle.

Je bouge. Je jauge. J’esquive. Je mesure. J’évite. J’observe. Le bonhomme est râblé, costaud, un Panzer qui ne connaît que la marche avant. Un qui frappe sa femme et ses gosses, un qui a besoin d’une bonne branlée pour l’ensemble de son œuvre. Il ne sait pas rompre pour mieux revenir. Il ne sait pas tourner pour chercher la faille. Il taloche comme un façadier. Il ventile comme un poivrot du Café des Sports après une douzaine de Pastis. Il brasse l’air comme un ventilo fatigué.

Ses coups circulaires lui pompent de l’énergie et découvrent de temps à autre une ligne qui va du plexus à la pointe du menton. Le boulevard du Knock-out, l’autoroute de la ronflette, le terminus du combattant. Il n’y a qu’à suivre les pointillés.

Je ne lui montre pas que j’ai trouvé le passage. Je frappe autour de ma cible pour le mettre en confiance. Maintenant que j’ai les cartes en main il faut terminer la partie. C’est le plus difficile. Mettre en pratique une analyse théorique aux petits oignons tout en évitant les impondérables. La boxe ce n’est pas l’athlétisme, on n’a droit qu’à un essai. Le coup qui endort, le coup unique, le coup du marchand de sable.

Quand l’ouverture se présente, quand la fenêtre de tir est sur mon écran radar, mon bras replié se détend façon catapulte. Je touche. La pointe du menton recule, la mâchoire part en vrille.

Le type est sonné. Il a le regard vitreux du junkie en rupture de stock. L’édifice flagelle.

Je retourne à mon bureau pour prendre mon cartable. En repassant devant Pitbull je lui décoche un coup de pied dans le ventre. Le bonjour de l’instituteur. Pour le fun.

Encore un parent d’élève comme je les aime…

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