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Le cri du projectionniste le soir au-dessus des gens

Le cri du projectionniste le soir au-dessus des gens

This is the end (6)

Publié par Le Projectionniste

Catégories : #A suivre ...

This is the end (6)

Me voilà seul. Quand c’est fini tout recommence. La boucle est bouclée. Je balance la zapette à la poubelle. Je descends ma téloche aux encombrants. Elle est à sa place. Dans le caniveau. Réalité de la télé. Belle lurette qu’elle fait le trottoir en racolant le chaland. Manque deux trois boutons sur le côté. Etat presque neuf. Au moins vingt ans de déloyaux services mais elle marche encore. Costauds ces vieux tubes cathodiques. Un quidam va l’emmener chez lui. Elle va faire un heureux. Ou plutôt un malheureux. Un type a dit un jour : la télévision rend intelligent les gens qui n’ont pas accès à la culture et abrutit ceux qui se croient cultivés. Umberto Eco je crois. Bien vu Umberto. Pas mal. Un peu phrase toute faite. L’érudit qui se fout de la gueule du prolo. Facile mais pas mal. Moi je dis : un cheval de course peut devenir un bourricot. L’inverse c’est plus rare.

Des myriades de phrases toutes faites. Faut toucher le fond pour remonter. Faut avoir confiance en l’avenir. Elles sont là. Brillantes. Belles comme des putes de luxe. Elles sont légion, offertes à celui qui ne pense plus par lui-même, accrochées à la patère du grand bazar des idées. Faut essayer de rencontrer quelqu’un. Faut surtout pas se laisser aller.La connerie est distribuée en bidon de cinq litres au décrochez-moi ça de la pensée pré-mâchouillée, gratuite et démocratique. De la bonne bouillie verbeuse à la syntaxe merdique, verdâtre, guacamole dégueulé à la volée par les bavards en panne de cerveau. Faut pas s’écouter. Faut aller de l’avant. Approchez messieurs dames, y’en aura pour tout le monde. Des lourdes, des vicieuses, des évidentes et des mystérieuses. Qui n’a pas son dicton. Sa devise. Son aphorisme. Sa périphrase. Son pléonasme. Les phrases mortes se ramassent à la pelle, se partagent à l’infini, se régénèrent dans un bain de salive. Faut te faire aider. Faut te relever et continuer. Des centaines, des milliers, des millions de faut mal affutés, ébréchés, rouillés, qui mâchouillent le blé pourri de notre pain quotidien. L’aile du faut qu’on assombrit l’horizon de la conscience. Faut manger bio. Faut pas fumer.

Les conseils sont des ordres, des lois, des décrets, des ukases. La liberté est descendue de la barricade, le nichon bien rangé dans le wonderbra d’Adriana. Sire, c’est une révolte. Non c’est un piège à cons. Réfléchissez mon cher Watson. Quand tous les gens disent la même chose, le dernier qui parle à forcément raison. Elémentaire. Ce type là-bas, au fond de l’impasse. Vous voyez bien qu’il n’est pas comme nous. Il délire sur le papier, il se plaint, il gémit. Nous sommes de bon conseil, Watson, même la Reine Victoria nous écoute. Allons aider ce brave homme qui s’épanche sur son clavier. Shut up Sherlock. Passe ton chemin. Je revisite Descartes. Je pense donc j’écris. Mataf usé par les embruns je jette l’encre sur le velin. Hum. C’est bon ça. C’est littéraire. Je sens que ça vient.

Ma vie part en sucette. Droit dans le mur. Un bon coup de boule dans l’ouvrage. Attention. Soyons précis. Pas la muraille de Chine, l’ouvrage. Juste une murette qui passait par là. Paf. Gratin de moellons sauce Ketchup. Du bon. Du 57. Je n’ai plus rien. A part la gueule en vrac, du raisiné dans les yeux, le cœur en panure. Reste mon ordi. J’écris sans m’arrêter. Si je m’arrête je meurs. All in all you’re just another brick in the wall. L’un dans l’autre, tu n’es qu’une brique dans le mur. Je pianote ma vie en écoutant de la musique. Traitement de texte. Sans ordonnance. We are the word. Raconte pas ta vie me disait le prof de français. Le reggae larmoyant laisse la place au rock lucide. Pink Floyd. Chaleureux et glaçant. Lumineux et sombre. Harmonieux et merdique. Un flamand rose avec les pattes enfouies dans la terre glaise d’un cimetière brumeux. Impossible de s’envoler sans emmener un bout de barbaque putréfiée. Pink Floyd. A consommer sans modération. J’intercale le best of Dean Martin. Une merveille. Everybody loves somebody. Frissons. Poils dressés sur les bras. Dino la classe. Un chasseur. Devant sa proie il allumait sa clope avec un briquet en or. Après il le balançait par la fenêtre. Juste pour séduire. Cool attitude. Un whisky avant de se mettre au lit. Crooner alcolo. Dude. Shériff adjoint de Rio Bravo.

Les souvenirs ont bloqué ma porte et de ma peine il faut que je sorte. Putain c’est beau. C’est du Ringo. Pas celui des Beatles. Celui de Sheila. Pas Sheila lutte finale. L’autre, la vendeuse de bonbons, qui chante comme une brêle en dansant avec des Antillais déguisés en afro-américains. Le short en alu super court, coincé dans la fente. Des milliers d’écoliers qui se martyrisent la queue devant l’écran pour faire jaillir une hypothétique béchamel. Hey. Teachers. Leave them kids alone. All in all it’s just another brick in the wall. Prendre un enfant par la main et lui montrer le chemin. Waouh. Pas nette la chansonnette. Le chauffeur du bus s’appelle Emile. Si t’es sage t’auras une image. We don’t need no education. We don’t need no thought control. No dark sarcasm in the classroom.

Moi mes amours d’antan c’était de la grisette. Mes neurones abimés ont paumé des pixels. Mon amour aujourd’hui est en pleine disette. Je ne peux plus voler car on m’a coupé d’elle. Devenir écrivain ou se croire poète. Balancer des mots doux au fond de la cuvette. Je cours derechef chez mon apothicaire. Pour guérir sans tarder ma tête pleine de vers. Dans mon coeur affaibli on plantera un drain. Pour tarir à jamais mon flot d’alexandrins. 

Tut. Tut. Et j’entends siffler le drain. Merde. Je pique les vannes à Tex. C’est la fin. This is the end.

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