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Le cri du projectionniste le soir au-dessus des gens

Le cri du projectionniste le soir au-dessus des gens

Quand tu descendras du ciel (6)

Publié par Le Projectionniste

Catégories : #A suivre ...

Quand tu descendras du ciel (6)

 

Caroline

 

On dit que les cocus ont le cul bordé de nouilles. Je valide la rumeur. Sur ce coup-là j’ai vraiment du bol. Mais la chance ne fait pas tout, je dois aussi une fière chandelle à Bambi.

Elle se faisait les ongles, après une partie de jambes en l’air, quand elle a vu tombé Viviane. L’ombre de ma défunte épouse a obscurci la petite chambre pendant une demi-seconde mais Bambi a eu le temps de la reconnaître.

Elle n’a pas inventé le courant triphasé, Bambi, mais elle sait faire la différence entre une défenestration et un saut à l’élastique, elle ne confond pas une salope de cinquante kilos et un oiseau sans ailes. Les gens qui ne lisent pas ont un avantage certain sur les autres : ils ont une vue d’enfer. Bambi peut voir un pigeon balancer sa fiente à deux kilomètres. Mais elle n’a pas lu Proust. Dans la vie il faut choisir ses loisirs, elle c’est le sport en chambre pas la littérature. Mais elle a dix sur dix à chaque œil. Si elle avait été vigie sur le Santa-Maria, Christophe Colomb n’aurait pas tant pinaillé pour découvrir le Nouveau Monde.

Bambi sent l’embrouille illico et se précipite chez moi, Un petit caraco sur les épaules, les fesses à l’air, comme d’habitude. Je suis au milieu de la salle à manger, prostré. Elle me dit gentiment :

– Putain, qu’est-ce que t’as fait ?

Je la regarde, perplexe, avec l’air niais du chat qui mate une souris mécanique. Je ne suis plus là. Aux abonnés absents. Une planante du diable, même un pétard de cent grammes me ferait pas tant d’effet. Un veuvage brutal, on dira ce qu’on voudra, ça vous secoue le bonhomme.

Elle me prend par le bras et m’emmène chez elle. On se fout à poil, pour Bambi c’est vite fait, puis on se couche rapido. Toujours les bons réflexes, mon ange gardien.

Après avoir examiné le cadavre, la maréchaussée débarque chez mon épouse volage pour faire les constatations d’usage. La fenêtre ouverte, la chaise renversée. Tout y est, la chaîne et la montre. Comme Viviane, enfin froide, tient toujours la bombe d’Ajax vitres et son chiffon dans ses menottes, les flics penchent pour la thèse de l’accident. C’est là que le génie de Bambi atteint des sommets insoupçonnés. Elle enfile une culotte et se glisse dans ma chemise. Quand les policiers frappent à sa porte, elle leur explique que je suis chez elle depuis un bon moment et qu’elle m’a prodigué un massage thaïlandais. C’est peu dire que son charme agit sur les flics, elle les rétame avec quelques pincements de lèvres sexuellement explicites et une pincée d’œillades enfiévrées.

Je me tape une mini garde à vue, pour la forme, avant de regagner mes pénates, témoin aveugle et malheureux de deux regrettables accidents dans la même journée. Merci Bambi.

Si je vous dis que, depuis, je crois au père Noël, vous me croirez ?

Un mois plus tard, Bambi m’annonce qu’on déménage au soleil, en amoureux, pour dilapider sans compter un pécule qu’elle a mis à gauche. Elle a mixé ses heures supplémentaires au plumard avec l’héritage d’une tante de province pour obtenir un chiffre exorbitant plein de zéros à la queue leu leu.

Je passe ma langue sur le ventre de Bambi. Salé comme une chips. L’océan Indien et la lotion solaire relèvent le goût des bons morceaux un peu fades. Elle est couchée sur le dos, dans sa tenue préférée. Ses seins s’étalent, charmants nénuphars sur l’étang sans plis de sa peau dorée. Les journées de bronzage intensif blondissent le minuscule triangle de son pubis en vacances. Elle me dit :

– Regarde dans mon sac, j’ai reçu Le Parisien ce matin.

Je prends le journal.

Elle rajoute :

– Avant-dernière page.

Je trouve l’article en question. Gérard, le connard, écrasé par un automobiliste qui a pris la fuite. Encore un accident.

Bambi me décoche un clin d’œil qu’il faut bien qualifier d’assassin.

Je bafouille :

– Bambi. T’as pas… Non…

Elle sourit et me dit :

– Terminé Bambi. Maintenant tu m’appelles par mon vrai prénom. Caroline. Le plus dur est derrière nous. Embrasse-moi, idiot.

 

FIN

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