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Le cri du projectionniste le soir au-dessus des gens

Le cri du projectionniste le soir au-dessus des gens

This is the end (9)

Publié par Le Projectionniste

Catégories : #A suivre ...

This is the end (9)

Je cogite sévère. Spleen. Façon Baudelaire. Mélancolie du poète. Spleen, en anglais, c’est la rate. En français c’est quand on se la met au court-bouillon. Tout se recoupe. Songeur. I have a dream. La machine à remonter le temps tourne à plein régime. Yvette a rangé son piano à bretelles. Définitivement. Drôle de sourire en biais. Chevalin. Sincère. Kodachrome saturé. Couvertures de disques écornées. Galettes craquantes, labourées par le saphir du Teppaz. Jimi Hendrix de l’accordéon. Riffs oubliés, envolés dans le silence des galaxies. Quelque part, au fond à droite. Un extraterrestre. On va l’appeler Gérard. Plus simple pour le narrateur. Une douzaine de bras tentaculaires. Quatre paire de couilles. Il saisit délicatement le vinyle d’Yvette. Perles de Cristal se répand dans l’éther. Gérard en transe. Il secoue ce qui lui sert de tête en sirotant un cocktail d’oxynitrure d’aluminium bien chaud. 1300 °C pour être précis. Sinon ça reste solide, on est obligé de le sucer. Pour Gérard cette musique est magique. Les notes d’Yvette pénètrent son corps. Se répandent dans sa complexité. Rebondissent dans les coins de sa charpente sans os. Se perdent dans les trous d’organes mystérieux. Gérard se nourrit d’accordéon, se régénère au poussé-tiré sur les anches d’Yvette. 

Gérard, c’est un peu moi quand j’ai découvert le rock progressif. Agacé. Fasciné. Dubitatif. Convaincu. Le plaisir passe aussi par les oreilles. Gérard n’a pas d’oreilles. D’accord. C’est juste pour vous donner une idée du ressenti. 

Années collège. Je suis puceau des tympans. La musique électronique pour moi c’est Pop Corn. Un tube débile diffusé non stop sur Europe 1. Les gamins le jouent en claquant la langue contre le palais. Ta ta ta ta ta ta ta . L’ordinateur c’est de la science fiction. Un juke-box bordélique. Mission Impossible. Star Trek. Fiches perforées. Chiffres qui défilent. sans queue ni tête. Le bastringue. Pour faire bien. N’importe quoi. Des conneries. 

Depuis la sixième j’ai un pote. Perché. A part. Une crème. Il est fils unique. Jean-Marc. Vachement rare dans les quartiers prolos. Pas mal d’argent de poche. Couvé par ses parents. Une grosse femme à chignon et un sosie de Kirk Douglas. Huitième étage. On écoute des disques dans sa petite piaule. Le shit et le rock progressif sont les deux autres mamelles de Jean-Marc. Pochette noire. Une griffe. Agressive. Magma. Je vous passe le titre. Trop compliqué. Des allumés qui chantent en kobaïen. Jean-Marc à l’air de comprendre. J’entrave que dalle. On fait allemand première langue. Statistiques imparables. La langue de Goethe se refuse aux cons. En plus d’être un cador tu fais becqueter les profs d’allemand affaiblis par la défaite de la race supérieure. Magma. Éruptions. Lave incandescente. Phrases en boucle. Litanies interminables. Morceaux de vingt minutes. Record du monde d’apnée musicale. Ça me fout les jetons. Mystique. Déjanté. Improbable. Jean-Marc déballe un double album. Yes. Tales from Topographic Océans. Décollage immédiat. Choeurs et guitares emmêlés. Jean-Marc explique. Les yeux brillants. Un album inspiré par Paramahansa Yogananda. Je secoue la tête. Ouais je connais. En vrai je vois pas du tout. Surement un Hindou à turban avec des sandales et une tunique. Qui vénère Kali, en tailleur sur un tapis. Yes. Une belle musique. Un beau voyage qui demande initiation. J’aime mais les plages sont trop longues, le soleil un peu tiède. 

Bam. Un beau matin je débarque avec Dark Side of the Moon Pink Floyd. Connu des amateurs mais pas que. Money a envahit les ondes depuis un an ou deux. Jean-Marc est furieux. C’est de la merde. Genesis et Pink Floyd même combat. De la merde. C’est commercial. Le mot est lâché. Commercial. Un tube qui s’intitule Money, forcément, c’est commercial. Pas progressif. Je proteste. Votre honneur. Money dénonce l’abondance de pognon. La veulerie des riches. Le commercial. Le mec qui bouffe du caviar à la louche. Qui s’achète une équipe de football comme je m’achète un pain au chocolat. Et puis le solo de saxo. Gigantesque. 

Le tri sélectif de Jean-Marc me gonfle. Il est favorable à une élite qui chie sur le prolétariat. La musique doit être planante ou mourir. Trop pointu le débat. Je change de crémerie. 

Marc. Un authentique rocker. Guitare électrique branchée toute la journée. Deep Purple. In Rock. Carré. Du petit lait. Pink Floyd à intervalles réguliers. Lasagnes fourrés aux sons. Une couche de hard. Une couche de planant. 

Rebam. Le choc. Queen. Personne connait. Des angliches foutraques. A Night a the Opera. Voix qui desquame. Guitare au son bizarre. Chansons à tomber par terre. Bohemian Rhapsody. Au bout de trois mesures Marc ressemble à Brian May. S’arrache les doigts sur le riff magique. Play back sur Freddie Mercury. Délire dans la piaule. Mama just killed a man. Put a gun against his head. 

Les notes d’Yvette résonnent dans la galaxie NPNG. Un nom trouvé par un astronome aux yeux rougis. No Pain No Gain. Gérard est sous le charme. Ses tentacules frissonnent. Les perles de cristal se détachent, une à une, pour former un nouveau chapelet d’étoiles que les petits terriens verront briller un jour. Dans très très longtemps.  

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