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Le cri du projectionniste le soir au-dessus des gens

Le cri du projectionniste le soir au-dessus des gens

This is the end (8)

Publié par Le Projectionniste

Catégories : #A suivre ...

This is the end (8)

Lire. Écrire. Lire. Écrire. En écoutant de la musique. Toujours. Parait que ça adoucit les moeurs. Attention pas les morses. Jamais confondre glisser dans la piscine et pisser dans la glycine. Jean-Paul le pape et j’empale le pope. Je parle pas de l’alphabet non plus. Le SOS des naufragés. Tic Tic Tic. Trois courts. Trois longs. Trois courts. Je parle du morse. La grosse bête. Toute luisante. Les défenses bien pointues, longues comme un épisode de Derrick. Essayez de lui envoyer la chevauchée des Walkyries dans ce qui lui sert d’oreilles. Va falloir cavaler. Pas question d’imiter Brian Joubert. Gamelle interdite. Sinon la bestiole vous pianote le Poinçonneur des Lilas sur les miches. Peut-être que le Kind of Blue de Miles Davis passerait mieux. Je sais pas. Moi je l’écoute en boucle. Kind of Blue. Mais je ne suis pas un morse. Je nage comme un moellon.

1990. Ou l’année d’avant. Amphitéâtre de Vienne. Dans l’Isère. Pas en Autriche. Un pote m’a filé des places gratos. Miles Davis. En chair et en os. Surtout en os le pauvre. Une touffe de cheveux malades sur la tronche. Des lunettes noires grandes comme un pare-brise d’autobus. Rongé par le sida. Juste assez de souffle pour nous faire partir. Loin. Très loin. Le son de sa trompette vient de l’espace. Une galaxie pleine de courants d’air où des tuyaux biscornus, traversés par des tempêtes thermiques, résonnent dans un désordre anarchique et mélodieux. 

Le terme générique pour un type comme ça c’est génie. Mais c’est tellement con de dire untel est un génie. On le dit tout le temps. Pour tout le monde. C’est presque réducteur. Miles c’est pas de la musique d’ascenseur. Enfin si. Un peu. À condition qu’il mène à l’échafaud. Ou au paradis. 

« À quoi bon jouer toutes les notes, il suffit de jouer les plus belles. » Il a dit ça, un jour, Miles. « La véritable musique est le silence, les notes ne font qu’encadrer ce silence. Ne joue pas ce que tu connais, joue ce que tu ignores. » Il a dit ça Miles. Ses paroles sont belles comme ses notes. N’importe quel écrivain donnerait la moitié de ses droits d’auteur pour écrire des phrases aussi belles. Intelligentes. Sensibles.

Kind of Blue. Le disque se termine. J’appuie sur le bouton « start ». La galette se remet à tourner. Il a mon âge ce disque. Né en 1959. C’est tout ce qu’on a en commun. Cinquante-huit balais. Dans mon berceau je devais écouter Luis Mariano et Marcel Amont. Miles, lui, c’était déjà un roi. Le boss. Il avait inventé le jazz. Réinventé le jazz. Réréinventé le jazz. Paris n’avait pas de secret pour lui. Roméo était retourné aux States sans Juliette. C’était sur l’écran que mes parents découvraient la musique de Miles. Trop jeune pour voir Jeanne Moreau pratiquer l’adultère, j’attends mon tour. Pas de date limite. Un génie c’est éternel. Legends never die. Une légende ne meurt jamais. Je l’ai vu. Entendu. De son vivant. Un pied dans la tombe mais tellement vivant. Inoubliable. 

So What. Premier morceau. Miles entame gentiment. C’est doux. C’est bon. Il se retire quand Coltrane arrive. Une avalanche de notes. Toutes improvisées. Toutes choisies. Impossible de savoir. Deux génies pour le prix d’un. Miles a aussi inventé le discount de la musique. C’est super et c’est moins cher. 

Voilà. Je commence sur la lecture et l’écriture et je glisse sur la musique. On appelle ça une digression. Le mot savant qui fait bien. Mais je ma la pète pas. Promis. C’est tellement important la musique. Quand je débarque chez quelqu’un je regarde partout. Je cherche la platine, le lecteur de CD, la radio. Et les bouquins. Les revues. Les journaux. Parfois il n’y a rien. Nothing. Je suis muet. Horrifié. Abasourdi. Putain, de quoi on va pouvoir parler ce soir ? Bon d’accord la télé est gigantesque. On voit les vers de peau de Drucker gigoter sous le fond de teint. En 3D. Avec Odorama. On sent l’haleine pourrie de son vieux clébard. Pour la conversation ça va faire juste. Le dernier navet de Kev Adams ou le bouquin de souvenir d’un acteur de téléfilm, c’est un peu léger pour discuter sérieusement. Je vais encore me rabattre sur l’apéro. Boire pour oublier. 

À la tienne Miles. Je me l’enfile derrière la cravate en pensant à toi…

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