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Le cri du projectionniste le soir au-dessus des gens

Le cri du projectionniste le soir au-dessus des gens

Yannick

Publié par Le Projectionniste sur 24 Octobre 2023, 12:13pm

Catégories : #Films récents

Yannick

J’ai démoli avec entrain les trois ou quatre derniers films de Quentin Dupieux, le contentieux est donc costaud, ce n’est pas mon cinéaste préféré c’est le moins que l’on puisse dire. Vais-je faire amende honorable à propos de Yannick, son dernier opus ? Oui et non, la bonne vieille réponse de Normand s’impose à moi, mon honnêteté intellectuelle m’interdisant de trancher dans le vif d’une œuvre à la fois diablement sympathique et fortement antipathique, jugement qui se superpose bien à la personnalité de Dupieux, farceur talentueux et fumiste patenté. En gros, pour résumer, avec lui on ne sait jamais sur quel pied danser.

La France compte quelques réalisateurs perchés, de Dupontel à Blier en passant par Gondry, chez lesquels le spectateur se retrouve toujours un peu, y compris dans leurs excès. Chez Dupieux la provocation à feu continu, souvent bâclée dans la construction et l’écriture, éloigne à la fois le plus endurci des cinéphiles et le spectateur occasionnel qui refuse de payer onze euros pour voir une farce de soixante minutes ressemblant à un téléfilm.

Le côté enthousiasmant de Yannick repose en grande partie sur l’interprétation ahurissante de Raphaël Quenard, comédien que j’ai adoré dans Chien de la casse de Jean-Baptiste Durand n’hésitant pas à la comparer à De Niro ( Je prédis un Oscar pour ce mec et pas seulement parce qu’il est natif de l’Isère). Un acteur comme ça peut vous lire Télé 7 jours ou le catalogue Vert Baudet, il vous embarquera, c’est du Jules Berry, du Michel Simon, du Louis Jouvet. Hors catégorie le Raphaël. Pio Marmaï nous livre aussi un très beau numéro d’acteur, il faut lui rendre justice. 

Le côté fumiste et bâclé du film c’est, bien entendu, sa durée ridicule surtout si on prend en compte les plans fixes où il ne se passe rigoureusement rien, accessoires habituels de remplissage de Dupieux permettant de passer au-dessus des radars du classement de son film en court-métrage. C’est aussi un scénario boiteux, à la fois brillant par son idée de départ et hypocrite dans son approche cinématographique. Je m’explique. 

Dupieux est le chouchou des intellectuels parisiens qui se pâment devant ses films, y compris les plus débiles. Partant de là il décide de se moquer d’eux, ce qui à priori ne me déplait pas, mais il charge son fusil à blanc et mélange à qui mieux mieux les archétypes en forçant les caricatures. Yannick, prolétaire qui veut s’instruire et s’amuser en allant au théâtre et le comédien, intello imbu de lui même qui confond l’art et la soupe.

Le personnage de Yannick est un peu le prolongement, en moins subtil, du Mirales de Chien de la casse, déjà joué par QuenardLe spectateur est séduit par ses arguments où les préjugés et les idées toutes faites abondent, le populisme teinté d’ouvriérisme venant au secours de scénaristes lancés comme des boulets dans leur diatribe anti-intello destinée à démolir un petit microcosme qu’ils connaissent bien puisqu’ils en font partie. Jamais facile de se tirer volontairement une balle dans le pied. J’ai retrouvé le côté gênant de Intouchables où Omar Sy, le prolo, vendait très cher un tableau peint n’importe comment, le truc qui brosse les masses populaires dans le sens du poil. C’est ce discours démagogique qui me dérange, même si je me suis bien amusé en l’écoutant.

Dupieux se voit trop beau en voulant faire le boucher et le veau, en dénonçant tout et son contraire, impression renforcée par la dernière scène où les larmes de Yannick sont peut-être celles du réalisateur qui a du mal à tourner un vrai film avec un vrai sujet.

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