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Le cri du projectionniste le soir au-dessus des gens

Le cri du projectionniste le soir au-dessus des gens

Je verrai toujours vos visages

Publié par Le Projectionniste sur 3 Septembre 2023, 10:08am

Catégories : #Coups de coeur

Je verrai toujours vos visages
La justice restaurative consiste à faire dialoguer victimes et auteurs d'infractions, c’est une nouveauté introduite dans la Justice française en 2014. Voilà, expliqué comme ça, brutalement, le sujet de Je verrai toujours vos visages ne fait pas rêver, il frise même le coup de cafard cinématographique. De plus, je vous dis tout, au départ, c’est-à-dire avant le visionnage du film, un vent contraire taquinait mon raisonnement de cinéphile. Une réalisatrice, fille de vedettes (Miou-Miou et Julien Clerc, excusez du peu) encore une « fille de », le truc à vous détourner de l’affiche en faisant une moue de dépit. Des actrices et des acteurs que l’on voit dans presque tous les films actuels, une purge de plus en perspective. Quand on échappe à Virginie Efira ou Laure Calamy on se retrouve immanquablement avec Denis Podalydès et Gilles Lellouche au générique, c’est réglé comme du papier à musique. Et Bing ! Me voilà bien bête, obliger de reconnaître mon erreur tout en rédigeant une chronique dithyrambique sur un très bon film que je pensais raté avant de l’avoir vu.
Jeanne Herry, réalisatrice, scénariste et dialoguiste, est totalement habitée par son sujet et son casting un peu « mode », un peu « On prend les mêmes et on recommence », se hisse à un niveau d’excellence assez bluffant.
On sent des comédiens investis, intéressés par le projet, très bien dirigés dans des rôles exigeants voire carrément difficiles. Ces dialogues, ou plutôt ces monologues, face caméra, sans fards, m’ont souvent bouleversé, surtout dans la deuxième partie qui va crescendo vers un dénouement relativement optimiste compte-tenu de ces terribles confessions. Victimes et prisonniers vident leurs sacs avec une sincérité, une gravité, qui feraient fondre un iceberg haut de quatre étages.
Une mise en scène intelligente, sans chichis, qui penche un peu vers le documentaire en évitant ses défauts, ce recul parfois glaçant qui éloigne le spectateur au lieu de le rapprocher. Ici, la réalisatrice part à la recherche de l’empathie qui est en chacun de nous pour nous émouvoir et nous interroger. Le mélodrame est à portée de main mais Jeanne Herry fait de la résistance. Chaque actrice, chaque acteur, à tour de rôle, monte en puissance au fil des scènes pour gagner en justesse et atteindre une perfection dans le jeu que l’on rencontre rarement sur grand écran. Je pose juste un bémol, un tout petit, sur la présence de Fred Testot, absolument pas crédible dans un rôle taillé pour un autre.
Les performances d’actrices et d’acteurs sont formidables mais l’accessit va à ma favorite, ma chouchoute, la comédienne époustouflante qui surprend tout son monde, film après film : Adèle Exarchopoulos. Tous les Actor’s Studio de la Terre peuvent aller se rhabiller, sa présence à l’écran est exceptionnelle. La confrontation avec son agresseur ( excellent Raphaël Quenard) est un grand moment de cinéma qui laisse stupéfait le spectateur le plus endurci. L’alignement de planètes entre l’actrice et la réalisatrice est parfait, évoquer un inceste avec autant d’intelligence à l’intérieur d’un champ-contrechamp de haute volée, on en redemande, c’est du grand art.
 
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