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Le cri du projectionniste le soir au-dessus des gens

Le cri du projectionniste le soir au-dessus des gens

Perfect Days

Publié par Le Projectionniste sur 16 Janvier 2024, 18:43pm

Catégories : #Films récents

Perfect Days

Le dernier film de Wim Wenders se résume en quelques mots : la vie quotidienne d’un homme qui nettoie les toilettes publiques à Tokyo. Voilà, c’est tout, c’est peu me direz vous, mais le cinéaste allemand a le don pour transformer le presque rien en beaucoup. Wenders est un alchimiste qui obtient de l’or avec du plomb, il est un des rares réalisateurs au monde à réussir cet exploit.

Jour après jour, du lever jusqu’au coucher, la caméra suit Hirayama, travailleur consciencieux, d’une propreté clinique et doté d’une vie intérieure foisonnante. L’homme lit beaucoup, écoute la musique anglo-saxonne des années 70/80 et adore prendre en photo les arbres du parc où il fait sa pause repas. Au fil du temps et du cycle monotone des journées de travail d’Hirayama, la caméra se déplace imperceptiblement pour filmer la même scène sous un angle différent. Petit à petit le spectateur découvre l’homme et son histoire, son intégrité et ses fêlures. Hirayama est en quête de quelque chose, peut-être de cette inaccessible étoile qui fait de lui une sorte de Don Quichotte tokyoïte ou plutôt de samouraï qui aurait laissé son arsenal guerrier au vestiaire pour le remplacer par un balai et une serpillère.

Le scénario est presque celui d’Un Jour sans fin, les pitreries de Bill Murray en moins et l’incroyable présence de l’acteur japonais Koji Yakusho en plus. Le comédien porte le film sur ses épaules dans un rôle quasiment muet avec une sincérité et une chaleur humaine sidérante. Avec seulement vingt ou trente mots distillés en deux heures de projection, Yakusho met tout le monde d’accord, il a d’ailleurs remporté le prix d’interprétation masculine au dernier Festival de Cannes, récompense largement méritée. Quand on prétend que le silence est d’or il suffit d’aller voir Perfect Days pour s’en convaincre.

Scannée par l’œil de Wim Wenders, la ville de Tokyo dévoile toutes ses facettes, mégalopole hypermoderne, effrayante, où quelques quartiers sont encore traversés par les traditions ancestrales du Japon d’autrefois. L’omniprésence du modèle américain est soulignée par les cassettes de rock qu’écoute Hirayama en se rendant à son travail. Patti Smith, Lou Reed, David Bowie et Otis Reading font partie de son quotidien. Profondément japonais, fasciné par les artistes américains, Hirayama est le symbole d’une culture diminuée, ou augmentée c’est selon, par un conflit qui a redéfini son pays, grande puissance économique, vassalisée par les Etats-Unis, mais fière de son histoire.

Perfect Days est une œuvre inclassable, unique, qui ravira les cinéphiles lassés par le rythme infernal du cinéma actuel, une œuvre reposante et sans paroles qui parle à toutes et à tous.

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