Une affaire d'honneur

Une affaire d’honneur nous offre une belle reconstitution de la France de 1887, sept années avant l’énorme scandale social et politique que sera l’affaire Dreyfus. Une société nouvelle pointe son nez et dérange le vieux modèle royaliste et réactionnaire qui perdure à la fois dans les esprits mais aussi dans la façon de gérer la destinée du pays. L’armée française, humiliée par les Prussiens en 1870, a repris du poil de la bête et tient le haut du pavé en faisant des hommes politiques de simples marionnettes à leur service. La bourgeoisie gouverne mais dans l’ombre l’armée tire les ficelles. La presse polémiste, toujours du côté du manche, prend son essor et tape à bras raccourcis sur celles et ceux qui dénoncent cette collusion.

Clément Lacaze, maître d’armes dégouté par la guerre, et Marie-Rose Astié, féministe convaincue, vont se heurter de plein fouet à ce vieux monde en train de disparaitre, vieux monde personnifié, entre autres, par le colonel Berchère, spécialiste du duel dit « d’honneur » et tueur sans remords ni regrets. L’épée, le sabre et le pistolet, les instruments de ces duels souvent mortels, deviennent le symbole de l’affrontement entre une société stagnante, tournée vers le passé, et une vision progressiste qui prépare l’avenir. On se bat et on meurt pour sauver son honneur, certes, mais aussi pour défendre ses idées, c’est le thème du film.

Une affaire d’honneur ravive intelligemment le genre Cape et d’épée en lui donnant du sens et une authenticité remarquable. Durant les duels on sent bien le danger planer au-dessus des protagonistes, manier l’épée n’est pas un jeu amusant comme dans Zorro, ici c’est du sérieux, « A la fin de l’envoi, je touche » comme disait Cyrano, le fameux bretteur qui ne s’exprimait qu’en vers. Les combats sont filmés avec soin, la caméra bouge juste ce qu’il faut, tout le contraire du récent Trois Mousquetaires où les scènes d’action donnent le tournis. Coup de chapeau à Vincent Perez, acteur-réalisateur-scénariste hyper convaincant dans le rôle du méchant colonel qui manie les armes avec une sauvagerie impressionnante.

Le casting est parfait, dominé, j’ai envie de dire comme d’habitude, par un très grand acteur. Roschdy Zem, c’est la classe américaine, le gars crève l’écran, une sorte de Denzel Washington à la française, un acteur avec un charisme incontestable. La présence physique, le jeu sobre, cet intérieur qui bouillonne dans un corps stoïque, haut perché mais parfois gêné aux entournures, Roschdy-Denzel c’est niveau Ligue des Champions. Rien que pour lui, et pour pas mal d’autres choses aussi, Une affaire d’honneur est un film à voir.