La Tête froide

« Ce qui est terrible sur cette terre, c’est que tout le monde a ses raisons. ». La citation de La Règle du jeu de Jean Renoir trouve toute sa justesse dans le scénario de La Tête froide. Mi-thriller, mi-documentaire, le film de Stéphane Marchetti fait se rencontrer une marginale et un migrant qui ont tous les deux de bonnes raisons de violer la loi. Elle est seule, sans argent, habite un bungalow glacial au fond des bois et paie un loyer prohibitif à un propriétaire sans aucun scrupule. Lui a parcouru des milliers de kilomètres pour rejoindre l’Angleterre avec sa petite sœur qui l’attend au Havre. Il est sans le sou. Ensemble ils organisent le passage clandestin de migrants entre l’Italie et la France, leur motivation première étant l’argent. Les membres de ce curieux attelage vont apprendre à se connaitre dans la difficulté et le danger.

En évitant tout pathos et effet mélodramatique, Stéphane Marchetti nous fait toucher du doigt un des grands problèmes de notre époque : la pauvreté et les conflits du Sud poussent les populations vers un Nord considéré comme riche et opulent. Mais les gens de bonne volonté, eux-mêmes touchés par la crise, peuvent-t-ils compenser ce gâchis humain et ce manque de considération dont souffrent ces gens chassés de leur pays par la pauvreté et la guerre ? La tentation est grande de faire de l’argent sur le dos de ces malheureux migrants. Ce thème difficile est traité avec beaucoup de nuances, le réalisateur ne choisit pas son camp et nous décrit la détresse des uns et des autres avec le regard du documentariste qui franchit talentueusement le pas du long-métrage.

L’actrice principale, Florence Loiret Caille, est remarquable de justesse et de sobriété.

Un premier film glaçant qui mérite d’être vu à la fois pour son contenu et pour sa forme.