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Le cri du projectionniste le soir au-dessus des gens

Le cri du projectionniste le soir au-dessus des gens

Un silence

Publié par Le Projectionniste sur 29 Janvier 2024, 14:06pm

Catégories : #Films récents

Un silence

Je suis allé voir Un silence sans enthousiasme car je trouve que le sujet de l’inceste, du viol et de la pédophilie est tellement traité au cinéma, dans les téléfilms et les bouquins, que l’effet souhaité par les auteurs est inversé, on banalise à outrance et les drames deviennent de simples sujets de conversations. Si on rajoute les faits divers style « Affaire Depardieu » qui alimentent le marché des médias en quête de scoops, le cinéphile prend ses jambes à son cou quand une nouvelle histoire de viol lui est proposée sur grand écran. Tous les écrivains ne s’appellent pas Matzneff, tous les acteurs ne s’appellent pas Depardieu et tous les chauffeurs de bus ne s’appellent pas Emile Louis. Heureusement pour nous et le cinéma français.

Un silence, film intéressant qui mérite d’être vu, sort dans ce contexte bruyant, surchargé d’affaires similaires. Son propos, insoutenable en « temps normal », paraît presque banal, on s’habitue malheureusement à tout, même au pire. L’avocat de Marc Dutroux était lui-même un redoutable prédateur, ça fait froid dans le dos, c’est vrai, mais ça n’étonne plus personne. Une histoire sordide recouverte par une chape de faits divers tous aussi glauques les uns que les autres.

Joachim Lafosse s’empare d’un sujet terrible, la pédopornographie et le viol d’enfants, et le traite à sa façon, c’est-à-dire en utilisant le non-dit et l’hors-champ, des techniques dont il abuse. Comme dans son précédent film, Les Intranquilles, il tourne des scènes muettes où la (ou le) protagoniste fait des longueurs dans une piscine ou danse sous l’œil inquisiteur d’une caméra collée à son visage. Le spectateur doit deviner à quoi pense le nageur ou la danseuse pendant ces longues minutes où il ne se passe rien. Lafosse sait filmer le vide, la vacuité, c’est indéniable, au risque parfois d’ennuyer le spectateur.  Même chose pour les trajets en voiture qui sont filmés dans la continuité, on a l’impression d’assister à une leçon de conduite, assis sur la banquette arrière. Seul le bruit des clignotants nous sort d’une indicible torpeur. C’est long, très long, le remplissage de scènes creuses avec des images floues est une ficelle trop épaisse à mon goût. Rajoutons à cela quelques ellipses un brin obscures et on se demande qui a fait quoi et à qui ? Il faut attendre les dernières minutes pour avoir un semblant d’explication qui laisse tout de même le puzzle du récit fort incomplet. Si on désintéresse celui à qui on raconte l’histoire, à quoi bon lui raconter ?

Le casting est à la hauteur, Daniel Auteuil est remarquable de sobriété, Emmanuelle Devos frémit avec talent et la chanteuse Jeanne Cherhal incarne une policière très crédible. Comme dit plus haut ce film est digne d’intérêt, cependant il est plombé par un style de mise en scène qui se veut original mais qui, au bout du compte, se révèle pénible pour le spectateur.

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